Surnommé le « Matisse Chinois », Sanyu (1901-1966) fait désormais l’objet d’une redécouverte dans le monde entier. Au coeur du XXe siècle, parmi Picabia, Picasso, Matisse – avec qui il se lie d’amitié – ou encore Modigliani et Foujita, il y a l’artiste chinois Sanyu. Après s’être initié à la calligraphie dans son pays natal, il se forme au Japon et à Berlin. Sanyu s’installe à Paris en 1921, quelques années après la première Guerre Mondiale. Débute alors une longue histoire passionnée avec la capitale française en plein essor artistique. Focus sur ce peintre exceptionnel, dont le monde de l’art s’arrache à prix d’or.

Tombé dans l’oubli à la fin des années 1960, le travail de Sanyu surgit et connaît aujourd’hui un regain d’intérêt considérable. Collectionneurs et critiques d’art louent son talent et son exceptionnelle maîtrise des codes occidentaux, qui, mêlés aux influences orientales font de lui une des figures mythiques de l’art asiatique du XXe siècle.

Les Années d’Apprentissage

La passion de Sanyu pour l’art naît d’un héritage familial. Son père, artiste spécialisé dans la représentation d’animaux, lui apprend quelques rudiments de peinture. Sanyu suit des cours privés de calligraphie au côté du maître Zhao Xi, complétés par des leçons de dessin dispensées par son père. Son talent artistique s’accroît et motive le jeune étudiant à rejoindre l’Université de Shanghai, puis le Japon en 1919. Il rejoint l’Europe peu de temps après, et s’installe définitivement à Paris à la suite d’un séjour à Berlin.

A l’époque, Paris accueille plusieurs artistes venus d’Asie, dont Tsugouharu Foujita (1886-1968), très actif sur la scène parisienne. Ce dernier compte parmi les représentants majeurs de l’Ecole de Paris et affirme sa place auprès des célèbres peintres d’avant-garde de la capitale. Sanyu ne prend pas part à l’institution dédiée aux artistes venus d’ailleurs, il se concentre sur son apprentissage et s’inscrit à l’Académie de la Grande Chaumière. Il y apprend l’art du nu qui deviendra plus tard l’un de ses sujets favoris. Il commence à traiter les figures humaines avec précision et fluidité. Son coup de pinceau habille, issu de la tradition chinoise, est désormais jumelé au vent de liberté parisien. Il transpose son art du geste aux courbes féminines des parisiennes décomplexées. Kiki de Montparnasse – muse des peintres de ce début de siècle et modèle favori de Foujita – l’inspire dans Nu couché à la toile de Jouy, 1922.

Kiki de Montparnasse
Alice Ernestine Prin (1901-1953) – Mannequin & Muse

 

Foujita – Nu couché à la toile de Jouy – Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris – © Fondation Foujita, Paris, France

Foujita – Nu couché à la toile de Jouy – Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris – © Fondation Foujita, Paris, France

 

Fort enrichi de l’effervescence bouillonnante de la capitale, il rencontre les peintres influents de son époque. Il affirme peu à peu sa touche artistique, ce qui lui permet de retenir l’attention des marchands d’art. Henri-Pierre Roché (1879-1959) – connu pour avoir soutenu Marcel Duchamp, Constantin Brâncusi, Marie Laurencin et Picasso – est le premier à remarquer la beauté de son travail. Il lui achète 111 tableaux et 600 dessins

Années 30’, Eclosion du Talent

Grâce au soutien de Roché, le travail de l’artiste prend une nouvelle dimension. Commence une période féconde et poétique, où le talent éclos. L’harmonie entre le réalisme occidental et l’esthétisme asiatique construit sa touche artistique, et lui offre une grande liberté d’exécution. Il continue les nus, à la manière d’Henri Matisse (1869-1954), ce qui lui vaut le surnom de « Matisse Chinois ». Sanyu maîtrise l’art de la ligne, ce qui le conduit à traiter les portraits animaliers et les natures mortes – plus particulièrement les compositions florales – avec brillo. Les chevaux et les félins sont dessinés avec aisance, comme les corps humains.

La beauté fragile qui émane de la nature est à la fois synonyme de vivacité et de grande sérénité. Toutefois, son intérêt pour le quotidien peine à trouver un public en quête d’exotisme, étonné par la représentation quelque peu banale de ses sujets.

Sanyu – Pot de fleurs ou Pivoines, circa 1930 – Huile sur toile – 92 x 73,5 cm
Adjugé € 8 797 500

 

Un Regain d’Intérêt

Il aura fallu attendre le début du XXIe siècle, pour qu’une rétrospective soit consacrée à l’œuvre de Sanyu en France. En 2004, le musée Guimet propose un retour inédit sur la singularité du travail de l’artiste chinois. Les nombreuses expositions dédiées au parcours de l’artiste ont par la suite permis de susciter un regain d’intérêt pour sa création.

Côté salles de vente, il réalise depuis une vingtaine d’années des records d’enchères. Ses œuvres sont devenues un symbole de rareté, témoignage unique d’une rencontre entre l’Orient et l’Occident. La poésie, la touche calligraphique, et les couleurs douces du peintre séduisent les acheteurs du monde entier – plus précisément le marché asiatique, qui s’est emparé de son talent.

Sanyu – Five Nudes – 1950 – 120 x 175 cm
Adjugé $ 39 100 000

 

Ventes & Performances

En octobre 2019, Nu est vendue chez Sotheby’s pour 25,5 millions de Dollars.

Sanyu – Nu – 1965 – Huile sur masonite – 122,5 x 135 cm Adjugé $ 25 500 000

 

Le 23 novembre 2020, Five Nudes – dont les enchères se déroulent à Hong Kong, chez Christie’s – trouve preneur à 39,1 millions de Dollars.

Toujours en 2020, une autre toile des années 50’ – intitulée Les Quatre Nus – réalise une performance de vente à Hong Kong, chez Sotheby’s. L’oeuvre s’envole pour 35,3 millions de Dollars.

Sanyu – Les Quatre Nus – 1950 – Huile sur masonite – 100 x 122 cm
Adjugé $ 35 300 000

 

Les Maîtres Asiatiques, Rois des Enchères

Le 18 octobre 2020, une étude de rocher du maître chinois Wu Bin (1573-1620) – peintre sous la Dynastie Ming (1368-1644) – est cédée à Pékin, pour la somme de 76,6 millions de Dollars. Ce record sans précédent illustre l’intérêt croissant des collectionneurs pour les paysages sur papier chinois, faisant de cette esquisse la peinture classique chinoise la plus chère au monde.

Le peintre japonais Foujita fait régulièrement l’objet de ventes aux enchères importantes. En 2018, le tableau La Fête d’Anniversaire trouve preneur pour 9 millions d’Euros, record absolu pour l’artiste.

Foujita – La Fête d’Anniversaire – 1949
Adjugé € 9 000 000

 

En septembre 2018, le triptyque Juin-Octobre 1985 réalisé par Zao Wou-Ki (1920-2013) est adjugé 65 millions de Dollars.

Zao Wou-Ki – Juin-Octobre 1985 – 10 m
Adjugé $ 65 000 000

 

 

L’œuvre monumentale de dix mètres de long séduit les acheteurs Hongkongais. Symbole du génie de l’artiste chinois, le triptyque illustre toute la maîtrise de ce dernier, empreinte d’abstraction et de poésie.

Sanyu, Foujita et Zao Wou-Ki – tous venus d’Asie pour découvrir le travail des artistes européens – créent leur propre univers, mélange de traditions culturelles de leurs pays, empreint du rayonnement artistique parisien des années d’après-guerre.
Nul doute que le temps donnera à leurs oeuvres, la valeur de leur mérite…

Foujita

Zao Wou-Ki

Sanyu

« Tout artiste est précieux car il apaise le monde humain et enrichit le coeur des hommes. » - Natsume Soseki - Clara Demelle est diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris depuis 2020. Riche de son apprentissage, sa passion pour l'art, pour la culture et pour la littérature est l’essence même de son talent…

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