© Louis Rase

 

PRESENTATION

Racontez-nous votre histoire…

« Je suis né à Grenoble, de parents belges. J’ai toujours été attiré par la beauté des relations humaines. A la fin du lycée, je suis parti en Australie pendant un an pour faire de nouvelles rencontres, créer de nouveaux liens, et voir ce que je ne connaissais pas. Cette expérience m’a rendu autonome, mais surtout, elle m’a fait comprendre que chacun d’entre nous est animé par les mêmes caractères. L’Humanité n’est pas qu’un concept ; elle mérite analyse, elle nous lie dans notre individualité. C’est sans doute cette analyse qu’il m’a paru nécessaire de poursuivre en me plongeant dans le monde des Droits de l’Homme, où je suis actuellement étudiant en Master. »

 

HISTOIRE ARTISTIQUE

Racontez-nous votre première expérience à l’art ?

« J’ai toujours été plongé dans le monde culturel ; mes parents m’ont toujours amené les week-ends aux expositions du Musée de Grenoble – ou lors de nos voyages, visiter des sites archéologiques ou des musées d’art contemporains. Du plus loin que je me rappelle, l’art m’a toujours paru comme une évidence pour s’exprimer. »

La voie artistique : Comment définiriez-vous votre parcours artistique ?

« L’apparition, quand j’avais 12 ans, d’une amie de mon père qui peignait. C’est à cet âge-là que j’ai eu ma première expérience avec la création picturale.

Je pense, ou du moins je l’espère, n’être qu’aux prémices de mon travail. L’évolution, la mouvance, le perfectionnisme – dans le désordre – sont les mots qui me font vibrer lorsque je prends le temps de m’exprimer sur la toile blanche.

J’apprends par la pratique, cela fait maintenant deux ans que je travaille réellement sur l’expression par la peinture et j’en suis encore au stade de la conception physique de la peinture ; comment elle s’étend sur la toile, comment elle change de consistance, de nuances… »

 

PREMIERES OEUVRES

A quel moment de votre vie est venue l’envie de créer ?

« J’ai créé ma première toile lorsque j’étais en deuxième année de Droit. J’avais beaucoup de travail, de pression et de doutes sur la voix que je prenais. J’absorbais un monde qui me semblait gigantesque. J’ai eu besoin d’exprimer ce qui grandissait en moi.

Puis je me suis souvenu de ce même sentiment, qui était présent dans mon quotidien lors de ma dernière année de lycée ; à l’époque je peignais le soir. Alors, c’est tout naturellement que je me suis mis à coucher mes ressentis sur la toile, mais cette fois-ci, étonnamment, avec beaucoup plus de couleurs. »

La naissance de votre première œuvre ?

« Insouciance »

 

Louis Rase – Insouciance, 2017, 100 x 80 cm – © Louis Rase

 

« Cette toile date de 2017, lors de ma dernière année de lycée. Un fond noir aux traces de rouge, de rose et de magenta. Des coups de pinceaux uniques, comme des lumières dans la nuit apparaissent et disparaissent sur une autoroute. Une envie d’évasion certainement… Une sensation d’épanouissement lorsque l’on est enfant, que l’on s’endort dans la voiture sachant que nous serons arrivés lorsque l’on se réveillera ; l’insouciance au final. »

Quelles sont vos influences, vos références, vos goûts ?

« Je me souviens particulièrement d’une exposition à Londres sur le travail d’Andy Warhol, et d’une autre sur Freud au Chiostro del Bramante à Rome… J’apprécie énormément le travail de Pierre Soulages ; sa façon de concevoir la texture du noir – qu’il appelle « noir-lumière » ou « outrenoir » – et de la peinture en général. J’aime également le travail d’Hans Hartung, qui a su se réinventer à plusieurs reprises. » 

Quelle époque artistique vous fait vibrer ?

« L’entre-deux-guerres est une époque particulière pour l’artiste, une époque sombre faite de traumatismes. Je suis totalement subjugué par cette époque où l’on peut voir les séquelles des artistes, et la façon dont ils ont conceptualisé leurs traumas.

Finalement, l’art moderne où l’art est invention, l’artiste est créateur. Il y a une véritable valorisation de la pulsion, de la création, de l’action. »

Avez-vous “un rituel” de création ?

« En réalité, si ce n’est un rituel, c’est un véritable besoin. Lorsque j’ai le matériel pour m’exprimer – toile, peinture, outil – je ne peux penser à autre chose que concevoir. Je n’ai pas d’endroit en particulier, alors je dispose mes toiles sur une bâche et je pré-examine le mouvement que je veux transmettre sur la toile. C’est en général un « one-shot », un moment intense où il n’y a que la toile et la peinture. Lorsque je suis satisfait je laisse sécher ; je ne fais pas de retouches. »

Quel est votre rapport au temps quand vous créez ?

« Lorsque le besoin de me déverser sur la toile apparaît, plus rien n’a d’importance. Cela me dessert d’ailleurs, lorsque je finis de créer, je m’aperçois qu’il y a des éclaboussures partout autour de moi… Comme une pulsion, c’est court et intense, et cela revient sans cesse. »

On dit que seuls les artistes accèdent à leur moi-profond. Qu’en pensez-vous ?

« Je pense que c’est un travail de longue haleine et que les artistes sont certes plus sujettes à expérimenter l’introspection pour se renouveler. Mais chacun gagnerait à chercher son « moi-profond.

C’est un équilibre entre écoute de soi et compréhension des influences externes. »

La littérature, le cinéma, l’actualité, sont-ils sources d’inspiration ?

« Le monde est une inspiration constante pour moi, particulièrement les relations humaines. Je suis à l’écoute et attentif à ce qui m’entoure ; au-delà d’y être attentif, le monde dans lequel j’évolue m’impacte fortement. Premièrement, dans le besoin grandissant de déverser ma vision sur la toile. Je recherche également la beauté, tout du moins ce que je considère comme « beau », puisque le beau est un concept… Le monde est rempli de beauté, il faut juste prendre le temps de s’en apercevoir et de la regarder. »

Si vous aviez un don d’ubiquité, dans quels endroits aimeriez-vous être simultanément ?

« Je pense que le monde va déjà trop vite, alors se dupliquer… On n’arrive déjà pas à prendre conscience de ce qui nous entoure. Alors je préfèrerai – plus qu’un don d’ubiquité – un don de dilatation du temps. »

Si vous aviez 1 seul mot pour caractériser votre art, lequel serait-il ?

« Délivrance, prisonnier du monde qui va trop vite – ou encore la toile est mon psy 😉 »

 

PEINTURE

Votre technique de peinture ?

« J’essaye de ne pas me limiter, je suis beaucoup d’artistes sur Instagram et ils sont tous plus innovants les uns que les autres. Je travaille beaucoup au jet de peintures et au couteau ; en ce moment, la superposition de couleurs m’intéresse. »

Le choix du support ?

« La majorité de mes œuvres sont sur toile tendue ; dans mon inconscient, c’est la base du travail. J’ai cependant eu l’occasion de travailler sur des grandes planches de bois vernis, ou encore de grandes nappes de coton non tendues. J’aimerai élargir mon travail par rapport à la toile tendue ; comme une sculpture peut-être, c’est encore flou… »

Vous sentez-vous limité par la technique face à votre imaginaire ?

« Non je ne pense pas, je suis encore à un stade de découverte et d’expérimentation par rapport à la nature physique de la peinture. Je pense avoir encore beaucoup de possibilités quant aux techniques d’application de la peinture, et tant mieux d’ailleurs ! »

Quelle importance donnez-vous à la couleur et à la lumière ?

Comment travaillez-vous la couleur ?

« La couleur retranscrit mes émotions lorsqu’elle est combinée au mouvement que je mets en place sur la toile. Sans être une source de gaieté, elle peut paraître chaotique, après tout le noir n’est qu’absorbation de toutes les couleurs.

J’essaye de sublimer la couleur et ses nuances. Une même couleur est différente selon la fonction dont je l’applique. »

L’abstraction transparaît sur vos toiles. Ajouteriez-vous d’autres influences ?

« Parfois, j’aime prendre un pinceau et laisser aller-et-venir mon bras ; sans pour autant qu’il y ait une retranscription concrète d’une forme définie dans mon imaginaire. Cela peut faire ressortir une interprétation qui pour le coup caractérise quelque chose de bien concret. »

Vos œuvres ont-elles vocation à transmettre un message ?

« Je suis politisé dans ma vie de tous les jours, par mon cursus scolaire. Lorsque je peins, j’essaye de lâcher-prise, j’essaye de faire en sorte que le cognitif laisse place au physique, mon bras. Je ne transmets peut-être pas un message, mais plutôt une retranscription de ma personnalité explosive. »

Quel est l’apport de votre activité artistique à votre vie de jeune étudiant ?

« J’ai commencé à peindre lors d’une période de grand stress et de doutes. La peinture me permet de décompresser. Lorsque je finis une toile, je ressens immédiatement une capacité accrue à me concentrer sur mon travail d’étudiant. Comme si le boulet attaché à ma cheville n’était plus. »

Comment pensez-vous l’équilibre entre le réalisme et l’expressivité de vos œuvres ?

« Je repense l’espace de mes toiles. A l’avenir, je voudrai peindre sur d’immenses toiles de plusieurs mètres de long.

L’équilibre entre la lourdeur de ma peinture et son expressivité est nécessairement quelque chose que je dois contenir, pour que je sois satisfait. C’est souvent un compromis entre le champ spatial de la toile, limité mais réel, et le besoin explosif de m’exprimer. »

Si vos œuvres étaient un prétexte, lequel serait-il ?

« Ma santé mentale ? »

Pouvez-vous nous raconter vos œuvres :

 

Louis Rase – Renard – mars 2020 – 100 x 100 cm – © Louis Rase

« Je commence généralement par faire un fond, que je gratte, que je mélange, pour donner en l’occurrence un style de béton sombre et mal lavé. Puis j’ai laissé mon pinceau vagabonder sur la toile, ne me souciant pas alors des mélanges de gris et de bleu. Une forme m’est apparue, au centre un visage – celui d’un renard – s’est dessiné par des coups de couteau rouge orangé, se mêlant aux couleurs de l’automne. »

Louis Rase – Bleu – Avril 2020 – 150 x 120 cm – © Louis Rase

« Cette toile a été un vrai défi. C’était la première fois que je travaillais sur ce type de format (150 x 120 cm) ; lors d’une belle journée du premier confinement, j’ai peint en extérieur, étant donné la taille de la toile. Jusqu’au dernier coup de pinceau, je ne savais pas si je garderai l’esprit du monochrome. Finalement oui, et les nuances viennent de la façon dont j’ai appliqué la peinture… C’est l’une de mes toiles préférées, j’y vois un Roi ou la magnificence des Océans. »

 

Louis Rase – Essai de Rouge – mai 2020 – 100 x 100 cm – © Louis Rase

« Cette toile a été réalisée dans les mêmes conditions que « Bleu » ; durant le confinement, même état d’esprit, si ce n’est un peu plus affecté moralement parlant.

Je me suis inspiré d’une toile que j’avais déjà faite « Rouge », mais je voulais qu’elle soit moins lisse, moins ordonnée, plus chaotique. J’aime beaucoup l’évolution du mouvement sur cette toile. Qu’elle soit chaotique ou ordonnée, la mouvance est une nécessité tant dans ma vie que dans mon travail. »

 

Louis Rase – Rouge – décembre 2019 – 100 x 100 cm – © Louis Rase

« Celle-ci est une expérience ; épurée, elle m’a paru décevante aux premiers abords.  J’ai travaillé avec de nouveaux outils, notamment sur la partie droite, comme un souffle. J’y vois une plage, une mer déchaînée, un oiseau qui s’envole.

Avec le recul, je suis content de ne pas avoir repeint dessus ; c’est le cas pour certaines de mes toiles, lorsque je n’ai plus de support mais que l’envie de peindre est présente. Je détruis un travail pour en faire naître un autre. Cette toile m’a réellement donné l’envie de concevoir avec plus d’équilibre et de rigueur. »

 

Louis Rase – Essai de Noir – mai 2020 – 120 x 90 cm – © Louis Rase

« Celle-ci m’a toujours rendu perplexe ; j’avais Pierre Soulages en tête et le chaos dans mon bras. C’est une de mes toiles les plus structurées… Il faut la voir en vrai pour comprendre, quelque chose de poétique et de mélancolique s’y dégage. »

 

ACTUALITE ARTISTIQUE & PROJETS

Sur quel/s projet/s travaillez-vous actuellement ?

« Je pense que la peinture a encore beaucoup de secrets que j’ignore… j’ai hâte de les découvrir.

Un groupe d’étudiants m’a proposé de faire partie de leur exposition, afin de présenter mon travail. »

Quelle est la dernière exposition qui vous a passionnée ? Pourquoi ?

« La rétrospective de la vie et du travail de Hans Hartung au Palais de Tokyo de Paris. Juste magnifique. Voir une grande partie de son œuvre étalée sur différentes périodes. J’ai été complètement subjugué. Il a su se réinventer et cela m’a touché. 

Je l’avais découvert quelques mois auparavant au Musée Picasso d’Antibes. J’ai acheté un livre sur sa vie passionnante. »

Quelques mots sur l’actualité …

« Artistique ? ou politique ? ça peut être les deux, puisque parfois l’une se mêle à l’autre… même si mon travail n’a aucune revendication de ce genre. Il faudrait que l’on écoute les jeunes, pas besoin de les materner, juste de leur faire confiance. Que l’on rouvre les universités… »

Quel est le dernier artiste que vous avez découvert et qui vous a séduit ? Pourquoi ?

« Callen Schaub ; il s’est fait une place grâce à son travail sur Instagram. Des centaines de milliers de followers, des toiles vendues plusieurs dizaines de milliers d’Euros et cet artiste reste humble, proche de sa communauté. Il met en place des initiatives, il fait passer des messages d’amour, et le plus important, il admet lorsqu’il fait des erreurs… Aujourd’hui, on ne sait plus admettre quand on se trompe ; on n’écoute plus l’Autre, on s’enferme facilement dans notre bulle, confort et préjugés. J’ai l’impression qu’il combat cela, alors j’adore. »

 

Callen Schaub – Celestial Lick – Acrylique sur toile – Diamètre 18 cm – © 2021, Callen Schaub

 

 

Que pensez-vous de la phrase de Mikhaïl Bakounine (1814-1876), révolutionnaire, théoricien de l’anarchisme et philosophe russe :

 

Parmi vos œuvres, laquelle souhaiteriez-vous voir illustrer cet interview ?

 

Louis Rase – Primaire ? – janvier 2021 – 50 x 100 x 2 cm – © Louis Rase

« Mon dernier travail. Pour une fois, j’ai abandonné le fond, et je me suis adonné à une superposition des trois couleurs primaires. C’est un chaos ordonné. »

RETROSPECTIVE

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« Le hasard bavarde, le génie écoute. » - Victor Hugo. Caroline Bressolles est diplômée d’un Master de Langues & Civilisations en espagnol, et d’une Ecole de Conseil en Image & Communication. Créative et espiègle, elle est habitée par l’observation et l’intuition. Initiée, la lecture du monde de l’Art tel un écrin du « Beau », lui devient évidence…

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